J’aime peindre. Je suis toujours à la recherche d’inspiration nouvelle ou déjà usité. J’aime faire des série de tableaux sur le même motif. Je reviens régulièrement vers les mêmes endroits, des lieux qui m’ont attirés, une lumière particulière, ou tout simplement l’envie de peindre saison après saison le même coin. Sentir sa vie propre, en effet au fil des saisons la végétation et son cycle de vie me touche.
Souvent dans mon existence ce thème des « Quatre saisons » de Vivaldi m’est revenu en pleine figure. Que ce soit musicalement ou sur le terrain, joyeuses ou tristes ce sont des sensations liées au rythme séculier de celles-ci que je me suis construit important de la construction . Originaire de la campagne périgordine, les travaux des champs rythmaient notre quotidien. Même si nous n’étions pas toujours là, école oblige, nous participions plus qu’occasionnellement aux semis,récoltes, moissons et autres vendanges. Je dois bien l’avouer j’étais plus prompt à m’amuser qu’à ramasser les pommes de terre.
Mais aujourd’hui je me remémore souvent ces moments intense des moissons ou il ne fallait pas trop révasser pour vider les trémis de blé. Et encore pour ramasser les bottes de foin que l’on empilait sur les remorques. C’était dur pour moi, et souvent à contre coeur je participait à tout cela. Quel idiot j’étais, je ne me rendait pas compte que je vivais des moments très important que je retrouverais que très épisodiquement plus tard dans ma vie d’adulte
En effet à cette époque là , dans notre campagne périgordine l’industrialisation de l’agriculture commençait tout juste et les fermes étaient à taille humaine. Ce qui engendrait qu’il y avait encore beaucoup d’entraide, beaucoup de liens, beaucoup de transmissions, beaucoup d’histoire, beaucoup de blagues, et donc de fou- rire…
Le meilleur était surement les vendanges, dans mon petit village de « la Sénédie » il y avait une petite dizaine de fermes tout au plus. Et pour les vendanges ce n’était pas chacun pour soit mais « tous ensemble, tous ensemble,tous, tous,tous ensemble… ». Quelles journées magnifiques, surtout lorsque l’automne était doux et chaud, Dans les rangs de vignes les discutions allaient bon train, les histoires d’antan ravivaient les souvenirs d’amis, de parents partis pour le grand voyage. C’était souvent avec beaucoup d’émotion que l’on racontait les anecdotes sur Gilbert, Emile, Roger, la Marthou, ou encore la Marissou. Des fois der larmes coulaient pudiquement sur les joues d’un grand gaillard…
C’est à cet endroit que j’ai le plus entendu le « patois ». Je n’ai jamais su le parler, mais je le comprend très bien comme s’il avait été marqué dans mes gènes et qu’il faisait référence à quelque chose de maternelle très fort. J’aime à me souvenir des pépés qui discutaient avec l’accent du sud-ouest bien plus marqué lorsqu’il employait la langue d’oc que beaucoup voulaient erradiquer.
Après le labeur venait l’heure de se mettre à table, et là je peux vous dire qu’il avait ripaille. On sortait le meilleur car les vendanges étaient des jours de fêtes et de partages. La soupe fûmante aux haricots et couennes, les pâtés de foie de canard ou de cochon, les poulets aux cèpes et autres pommes de terre confites, les rôtis, les blanquettes, les civets et que sais-je encore?
On restait longtemps à table, on parlait beaucoup, on rigolait énormément et aujourd’hui encore les vendanges sont un grand moment de partage car on ramasse les raisins à la main. Pour rien au monde je ne manquerais ce moment qui réuni les vieux, les enfants, les frères et soeurs, les pères, les mères, et ceux qui nous ont trop tôt quittés.
C’est pour cela que peindre sur le motif , quelque soit le temps , au rythme des saisons est pour moi un échange,un partage, un moment de communion avec tout ce qui fait mes racines…